Réduire notre consommation d’énergie en assainissant notre parc immobilier et maintenir notre patrimoine bâti le plus intact possible sont deux préoccupations légitimes pour les générations futures. Mais celles-ci sont-elles conciliables ? Oui, à condition de le faire en bonne intelligence.

Assainir le parc immobilier existant : un axe essentiel de la Stratégie énergétique 2050

En Suisse, les bâtiments sont à l'origine de 40% de la consommation d'énergie et de près d'un tiers des émissions de CO2. Et deux tiers des bâtiments sont encore chauffés au moyen d'énergies fossiles ou directement par l'alimentation électrique. En isolant mieux notre bâti, le besoin en énergie peut baisser de plus de moitié. L’isolation de l’enveloppe d’un bâtiment concerne les combles, les planchers, les murs et les parois vitrées. Selon l’ADEME (Agence française de la transition écologique), les déperditions d’énergie dans une maison individuelle d’avant 1974, par exemple, se répartissent ainsi : 25 à 30% d’énergie perdue par les combles, 20 à 25% par les murs, 7 à 10% par les planchers-bas, 10 à 15% par les parois vitrées.

Économiser l’énergie tout en préservant notre patrimoine bâti

Préserver notre patrimoine bâti ? Oui, mais pourquoi ? Notre patrimoine bâti, c’est l’ensemble des constructions humaines qui ont de la valeur parce qu’elles sont caractéristiques d’une époque, d’une civilisation ou d’un événement, et pour cela, nous souhaitons la transmettre aux générations futures. Pensez à une bague transmise de génération en génération, que vous souhaiteriez céder un jour à votre propre fille. L’envelopperiez-vous d’un plastique opaque impossible à retirer parce que les nouvelles normes souhaitent éviter la destruction de pierres précieuses ? Non, vous chercheriez des solutions pour préserver la pierre sans pour autant dénaturer votre bague. Alors pourquoi ferions-nous autrement avec ce bien collectif qu’est notre patrimoine bâti ? Des solutions existent, et plusieurs exemples montrent que promoteurs des économies d’énergie et du patrimoine peuvent travailler main dans la main.

Notre patrimoine bâti est bien entendu constitué de bâtiments d’exception, mais également de tous les bâtiments caractéristiques de leur époque, en fonction des modes et des moyens de construction, des matériaux à disposition, des détails stylistiques de l’époque et de la localisation de la construction. Ainsi, même si les bâtiments ne font pas l’objet d’une protection patrimoniale, ils constituent notre patrimoine collectif.

Une rénovation généralisée du parc immobilier vieillissant et gourmand en énergie, encouragée par la Stratégie 2050 de la Confédération, risque d’homogénéiser l’aspect des bâtiments suisses. Sans réflexion, toutes les fenêtres seront remplacées par des fenêtres en PVC blanc, et les façades enveloppées par une isolation périphérique crépie recouvriront tous les détails architecturaux. Pourtant la nécessité de réduire la consommation énergétique des bâtiments est bien réelle.

Alors concrètement, comment s’y prendre ?

Commencer par isoler là où l’impact patrimonial est moindre

Il est essentiel d’avoir une approche d’économie d’énergie globale. Dans le bâtiment traditionnel moyen par exemple, les pertes d’énergie par la façade se limitent à 32% des pertes d’énergie totales du bâtiment, et les pertes par la toiture représentent la part la plus importante des déperditions thermiques. Isoler la toiture, le plafond de la cave ou améliorer l’étanchéité à l’air des fenêtres sont des opérations efficaces ayant un impact moins important sur l’aspect du bâtiment qu’une isolation de façade. Les cavités des planchers intermédiaires peuvent être remplies d’une couche d’isolation, ce qui a notamment l’avantage d’atténuer les bruits de pas et d’améliorer l’isolation acoustique. De telles mesures peuvent déjà amener des économies d’énergie de 80 %.

S’il le faut, isoler les façades intelligemment

L'unité « Sauvegarde » de la direction générale des immeubles et du patrimoine du Canton de Vaud a rédigé des conseils et principes d'intervention déclinés de façon thématique : comment intervenir sur les toitures, les façades, la mise en couleurs d’un bâtiment et les fenêtres. Elle met également à disposition une liste d’artisans compétents pour les travaux de rénovation adaptés aux différentes particularités.

Isolation extérieure ou intérieure ? Critères de sélection

Isolation extérieure

+ Peu de risques de dégâts liés à la condensation ; augmentation de la température du mur ; utilisation de l’inertie thermique du mur ; profondeur du gel contenue dans le plan de l’isolation

- Modification de l’aspect de la façade extérieure ; changement des proportions de la façade ; modification des matériaux de la façade

Isolation intérieure

+ Augmentation de la température de surface intérieure ; aspect de la façade extérieure conservé ; réactivité du chauffage ; possibilité de placer les tuyauteries dans le plan de l’isolation

- Ponts froids difficiles à résoudre ; augmentation du risque de dégâts liés à la condensation ; profondeur du gel dans le mur rendue plus importante ; réduction de la surface utile intérieure ; perte de l’inertie thermique du mur

La réversibilité : principe de base de la protection patrimoniale

Dans le domaine de la protection du patrimoine, un des principes de base est la réversibilité. Toute intervention actuelle dans un bâtiment historique doit être réversible sans occasionner de dégâts. On doit pouvoir revenir à l'état initial du bâtiment sans traces de l'intervention.

Une publication pour accompagner concrètement les propriétaires, régies, services de l’énergie et des constructions, ingénieurs conseils et architectes

L’étude eRen dresse un inventaire des typologies constructives existantes en Suisse romande entre 1900 et 1990, représentant la majorité du parc bâti suisse. L’étude propose pour chacune de ces typologies des solutions de rénovation exhaustives, réalistes et chiffrées servant de bases de travail concrètes pour les acteurs de la rénovation thermique du bâtiment. Différentes solutions sont proposées comme par exemple réaliser une enveloppe très performante de la façade sur cour, moins remarquable que la façade richement décorée ; isoler en panneau minéral à l’intérieur en préservant les boiseries d’embrasures caractéristiques ; isoler par l’intérieur avec des éléments préfabriqués pour préserver les façades complexes en béton ; réaliser un crépi isolant minéral pour remplacer le crépi actuel tout en gardant l’aspect du bâtiment, etc.
Les résultats des études de cas montrent ainsi qu’il est possible d’atteindre les exigences globales tout en respectant le caractère et les particularités constructives du bâtiment à un coût acceptable. Des solutions clés en main pour tous les acteurs de la rénovation !

Des bons exemples desquels s’inspirer

Patrimoine suisse est une organisation suisse sans but lucratif active dans le domaine du patrimoine bâti. Elle a réalisé une publication « Patrimoine bâti et énergie, amélioration énergétique des bâtiments d’habitation » dans laquelle elle présente huit exemples de rénovation réussies en Suisse. Les exemples présentés mettent en évidence l’importance de l’analyse préalable de l’existant et de son potentiel avant de réaliser un projet. Les exemples décrivent les différents scénarios imaginés de rénovation et comparent ces scénarios, présentent les mesures d’amélioration énergétique effectuées sur la toiture, façades, fenêtres, portes extérieures, planchers et sols, ainsi que les économies réalisées et les coûts investis ! Les photos illustratives, quant à elles, donneront envie à tous les propriétaires de notre patrimoine bâti d’apporter leur pierre à l’édifice d’une rénovation respectueuse de notre histoire et de notre culture.

Rénovons plus et mieux

Réduire la consommation d’énergie liée aux bâtiments est, nous l’avons vu, un axe essentiel pour atteindre les objectifs énergétiques fixés par la Confédération. Le processus doit même être accéléré. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de notre patrimoine : c’est possible, à moindre coût et pour le bien de nos générations futures.