7 minutes pour comprendre cette vaste thématique.
20 avril 2020 7 min
Laurent Mineau

Responsable des Marchés
Romande Energie

La question de l’impact du volume sur le prix de l’électricité revient souvent dans les discussions entre clients et fournisseurs d’énergie. Cet article vise à apporter une réponse éclairée à tous les décideurs à travers quelques points-clés.

Pour bien comprendre la problématique des achats groupés d’énergie, il convient de rappeler brièvement de quoi est formé le prix des contrats de fourniture sur le marché libre. Pour composer votre prix, le fournisseur achète deux produits sur le marché de gros de l’électricité : le Baseload (puissance constante sur toute la période) et le Peakload (puissance du lundi au vendredi, de 8h à 20h). Un 3ème produit, nommé Offpeak load, complète en réalité ce catalogue, mais son prix résulte des deux précédents (peak + offpeak = base).

Ainsi, plus vous avez des pics de consommation en journée, plus votre prix se rapproche du produit Peakload. Plus votre consommation reste stable (en « ruban », prévisible) en tout temps, plus votre prix se rapproche du produit Baseload.

Cependant, il est impossible de couvrir exactement un profil de consommation au pas horaire avec des produits standards de marché. C’est d’ailleurs l’une des grandes difficultés des fournisseurs qui doivent sans cesse compléter et ajuster leur approvisionnement par des achats au pas horaire, en « spot » (couverture de la dentelle). Or, l’électricité ne se stockant pas facilement, la seule façon d’acheter de l’électricité au pas horaire est d’attendre la veille du jour de consommation (produits « spot »). La bonne prévisibilité du profil (à un pas horaire) diminue donc le mark-up correspondant au coût de cette électricité d’ajustement.

Au final, le coût de fourniture va comprendre :

  • Coût du « sourcing » (achat des blocs Baseload et Peakload sur le marché)
  • Complément à ces blocs valorisé au prix de marché
  • Dentelle valorisée au prix de marché
  • Mark-up (majoration) de risques pour couvrir
    • Aléas de volume du client (thermosensibilité, probabilité d’aléas industriels, etc.)
    • Mécanisme d’ajustement, risques d’arbitrage, durée de validité des offres, etc.
  • Coûts commerciaux (facturation, recouvrement, risque de défaut de paiement, etc.)
  • Marge

L’essentiel du coût (près de 95%) est formé par les 3 premiers éléments (sourcing, complément et dentelle). Les mark-up, coûts commerciaux et marge, ne représentent quant à eux qu’une infime part du coût de fourniture.

Que faut-il alors comprendre ?

Le marché de l’électricité n’accorde finalement pas ou extrêmement peu de prime au volume : à profil identique, un client consommant 10 GWh recevra le même prix qu’un client consommant 50 GWh qui négocierait son contrat au même moment. C’est seulement pour les très petits volumes (< 500 MWh/an) que l’impact des coûts commerciaux (plutôt indépendant du volume livré) peut se faire un peu plus sentir.

L’agrégation de différents profils entre eux, en regroupant la consommation de plusieurs sites (sauf si, cas très rare, il réduit la volatilité du profil) n’apporte finalement pas de réel gain. Pour mieux illustrer, on peut utiliser le schéma extrême suivant :

  • Le premier site a une consommation qui correspond aux seules heures pleines, il bénéficie seul d’un prix « élevé ».
  • Le second site a une consommation qui correspond uniquement aux heures creuses, il bénéficie seul d’un prix « bas ».
  • La combinaison des deux sites conduit à un prix « moyen » ; le site 1 paie moins cher, le site 2 paie plus cher.



L’immense majorité des contrats de fournitures négociés actuellement sur le marché libre sont du type « Fourniture complète - prix fixe », qui permettent aux clients de fixer leur prix de l’électricité sur une plage allant de 1 à 4 ans. Dans ce type de formule contractuelle, la plupart des risques de variation (prix de l’électricité, volume de consommation, profil de consommation, etc.) sont pris par le fournisseur qui applique un mark-up. Ces contrats présentent une très grande simplicité de gestion et une bonne visibilité budgétaire pour les clients. De plus, ils sont relativement faciles à comparer. Des formules intermédiaires, où une partie des risques restent pris par le client, sont envisageables. Il faut toutefois noter que ces contrats, pour être avantageux, nécessitent un suivi très régulier par le client.

En conclusion, ce n’est pas le volume de l’électricité consommée qui fait le prix, mais plus le profil de consommation.

L’achat groupé a-t-il alors réellement un intérêt ?

Cela ne signifie pas que regrouper ensemble tous ses points de consommation ne présente pas d’intérêt. Cela permet notamment de réduire le nombre de négociations et de fournisseurs à gérer (même s’il n’est, par contre, pas possible de diminuer le nombre de distributeurs). Un volume minimal permet éventuellement d’accéder à certains types de contrats (structurés sur mesure) qui ne sont pas proposés en dessous en général d’un volume minimal de 5 GWh/an.

Cependant, cela entraîne une forme de « subventionnement » croisé entre sites, si les profils agrégés sont significativement différents. Ainsi, une usine peut être amenée à payer un peu plus cher son électricité car le profil moyen aura été éventuellement « dégradé » par l’influence d’un réseau de magasins qui ne consommerait que pendant les heures de pointe.

Quels éléments faut-il retenir ?

Il faut enfin se souvenir que le timing de la négociation reste déterminant en termes d’impact sur le prix final : un bon timing, soit l’achat au bon moment, peut générer des économies de plus de 1ct./kWh sur la base de la volatilité annuelle historique des prix, alors qu’un appel d’offres à une date fixée longtemps à l’avance ne jouera probablement que sur moins de 0.1 ct./kWh. Un client aura donc plus intérêt à soit suivre lui-même très attentivement le marché de l’énergie (et ses nombreux paramètres l’influençant), ou créer un partenariat dans la durée avec un fournisseur qui saura partager sa connaissance et son approche du marché.


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