Une étape-clé a été franchie l’été passé, marquant un tournant historique dans le paysage énergétique de Romande Energie.

L’essentiel en trois points :

Pour faire face à l’augmentation massive de production solaire, Romande Energie :

• Redimensionne et renforce son réseau, pour intégrer cette énergie décentralisée, tout en répondant aux besoins de raccordement.
• Implémente des technologies intelligentes, telles que les smart grids et smart meters, pour une gestion optimisée et réactive du réseau.
• Recherche et collabore avec les hautes écoles et les institutions de recherche nationales, pour élaborer les scénarios du futur.

Le 30 juillet 2023 a vu la balance énergétique s’inverser : pour la première fois, la production d'énergie décentralisée, tirée principalement du photovoltaïque, a surpassé la consommation totale des clients de Romande Energie. Un moment qui restera gravé dans les annales comme une petite (r)évolution. Raphaël Tessier, planificateur réseau moyenne tension chez Romande Energie, rappelle le contexte du moment. « Ce jour-là, c’était les vacances, il faisait beau, les panneaux solaires produisaient de l’énergie, mais personne n’était à la maison pour la consommer. Ainsi, la production solaire a dépassé la consommation dans notre zone de desserte. Néanmoins, cette évolution vers une production d'énergie indépendante et décentralisée comporte des défis de taille. Nous devons aujourd’hui adapter le réseau à cette nouvelle donne énergétique, intermittente et décentralisée. »

Les défis mis en lumière

À l’avenir, on table sur un développement massif du photovoltaïque, avec des objectifs politiques ambitieux et des scénarios proposés forts et contraignants, précise Raphaël Tessier, planificateur réseau moyenne tension. Et s’il faut compter sur une forte augmentation des installations photovoltaïques, n’oublions pas l’essor des pompes à chaleur et des véhicules électriques. Le défi est grand pour notre infrastructure énergétique traditionnellement unidirectionnelle. Raphaël Tessier souligne par ailleurs que « cette situation pose des contraintes en termes de tension électrique sur le réseau, et de capacité des ouvrages à pouvoir absorber et faire transiter ce flot d’énergie renouvelable. L’augmentation de la production décentralisée exerce en effet une pression sur le réseau. » Il est ainsi essentiel de repenser la capacité du réseau à gérer ces nouveaux types de flux énergétiques, afin de garantir la stabilité et l’efficacité du système. Un autre aspect concerne le risque associé aux prix négatifs : en effet, plus il y aura d’installations, plus l’énergie refoulée sur le réseau augmentera aux heures de pointe et donc moins cette électricité vaudra quelque chose. Face à ces défis, Raphaël Tessier rappelle l’importance des solutions de flexibilité, existantes et futures, telles que des batteries ou la limitation de la production des installations.

Les solutions déployées

- Adapter les équipes et le réseau : une révision en profondeur s'impose, nécessitant non seulement l'agrandissement des équipes, mais aussi une modernisation des infrastructures pour répondre à la fois à l'augmentation de la production photovoltaïque et à la demande croissante de raccordements. Au quotidien, il s’agit de redimensionner et renforcer le réseau, remplacer câbles, armoires et transformateurs pour faciliter le raccordement. Cependant, face à la pénurie de certains composants essentiels, certaines pièces se font désirer selon Raphaël Tessier. « Pour certains transformateurs, c’est jusqu’à une année d’attente !  On propose alors des solutions transitoires à nos clients, pour qu’ils puissent injecter au moins une partie de leur énergie. »

- Smart grid et Smart meters : la mise en place des « smart grids » (réseaux intelligents) et des « smart meters » (compteurs intelligents) est au cœur de la modernisation des infrastructures énergétiques. Ces technologies de pointe permettent une gestion plus fine et dynamique du réseau basse tension. En fournissant des données détaillées, elles permettent des simulations plus précises, optimisant l'utilisation des infrastructures et évitant des changements immédiats, précise Raphaël Tessier. « Avec les yeux qu’on a aujourd’hui dans ce réseau basse tension, on rectifie et on travaille sur tous les aspects pour maximiser nos infrastructures. Les smart grids agissent en outre de manière dynamique sur la tension du réseau, précise Raphaël Tessier. Cela permet d’adapter de manière dynamique la tension en fonction de la production et évite ainsi dans certains cas de changer des câbles qui ne sont pas en fin de vie technique. Enfin, en collaboration étroite avec l’unité data chez Romande Energie, nous étudions et valorisons les données pour développer des modèles d’analyse des réseaux qui soient au plus proches de la réalité ».

- Stockage et autoconsommation : alors que les batteries de stockage sont une réponse efficace à l'intermittence inhérente à la production solaire, elles deviennent également des alliées pour stabiliser le réseau. En capturant l'électricité générée en période de forte production solaire, ces batteries permettent une utilisation différée lors des pics de demande ou lorsque la production fléchit, mais aussi une réduction significative de la production de pointe, qui est aujourd’hui dimensionnante pour le réseau. Mais Raphaël Tessier rappelle que ces systèmes contribuent également à augmenter l’autonomie énergétique des propriétaires, tout en optimisant les coûts énergétiques. « Grâce au stockage, les clients peuvent éviter d'acheter de l'électricité du réseau aux heures de pointe, où les tarifs sont les plus élevés, renforçant ainsi la viabilité économique de l'autoconsommation solaire. ».

- Collaboration et Recherche : Romande Energie ne se contente pas de réagir. L’entreprise collabore étroitement avec les milieux académiques pour également anticiper ces défis. Ainsi, l'entreprise a tissé des liens avec des institutions telles que le Centre de recherche FEN de l’ETH Zürich, et travaille sur des projets de recherche avancée. Ces collaborations lui permettent d'explorer et de modéliser les scénarios futurs de la production photovoltaïque, d'en évaluer les répercussions sur le réseau et d’établir des stratégies pour la gestion et l'optimisation de l'énergie, détaille Raphaël Tessier. « L’expertise de ces partenaires académiques nous fournit des analyses précieuses qui influencent nos prises de décision, avec des projections pour les décennies à venir. Les études en cours nous permettront d’évaluer l’impact de l’augmentation massive du photovoltaïque sur notre réseau, et surtout de déterminer quelles améliorations et solutions y apporter. ».

L'événement du 30 juillet 2023 n'est pas une simple anecdote technique, mais symbolise une évolution cruciale vers un système énergétique plus flexible et participatif. Chaque consommatrice et chaque consommateur devient aujourd’hui un acteur-clé dans la production d'énergie renouvelable. Un changement de paradigme qui, malgré les défis, ouvre la voie à un avenir énergétique plus durable et plus équitable.