Découvrez les différentes possibilités du marché
21 juin 2021 9 min
Christian Rod

Spécialiste énergie
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Le chauffage des bâtiments est l’un des principaux postes d’émissions de gaz à effet de serre en Suisse. En 2018, ce secteur représentait près du quart des émissions du pays avec un total de plus de 11 millions de tonnes équivalentes C02 (OFEV). Même si ce chiffre peut paraître très important dans l’absolu, il est à mettre en relation avec celui de l’année 1990. À cette époque pas si lointaine, les émissions liées au secteur du bâtiment étaient supérieures à celle d’aujourd’hui de plus de 50% ! Cette forte diminution est d’autant plus spectaculaire que durant cette même période, la surface de référence énergétique totale des ménages, comptant pour deux tiers du secteur du bâtiment, a augmenté de près de moitié.

Les émissions par mètre carré de surface chauffée ont donc drastiquement diminué durant les 30 dernières années. Et le potentiel restant d’amélioration est encore élevé. En effet, lorsque l’on considère qu’aujourd’hui en Suisse, deux tiers des bâtiments sont chauffés aux énergies fossiles, celui du bâtiment apparaît d’autant plus clairement. Il est également intéressant de mentionner ici que certains cantons, tel que Neuchâtel, ont devancé la Confédération en adoptant des lois favorisant les solutions renouvelables au détriment des technologies basées sur les énergies fossiles.

Les technologies renouvelables

Si les solutions fossiles étaient quasiment incontournables il y a quelques années, il existe maintenant plusieurs alternatives renouvelables permettant de réduire massivement les émissions de gaz à effet de serre liées au chauffage des bâtiments. En plus de leur impact climatique réduit, ces solutions sont basées sur des ressources locales, accentuant d’autant leur intérêt car contribuant à l’indépendance énergétique du pays.

Chacune de ces technologies présente des caractéristiques propres et le choix de l’une ou de l’autre en fonction d’une situation spécifique peut s’avérer complexe. Cet article passe en revue les principales technologies afin de fournir une vision d’ensemble.

Les pompes à chaleur

L’alternative renouvelable aux solutions fossiles la plus couramment citée est très probablement la pompe à chaleur, que l’on peut également rencontrer sous le nom de géothermie quand elle tire son énergie de l’eau (voir plus bas). Cette technologie tire son nom de sa capacité à inverser le sens de « l’écoulement de la chaleur », du froid vers le chaud, de manière similaire à une pompe faisant circuler de l’eau du bas vers le haut. Toutes les pompes à chaleur fonctionnent selon un même principe : un fluide est mis en contact thermique avec l’extérieur, au travers d’un échangeur, et se réchauffe en absorbant de l’énergie thermique. Ce fluide passe ensuite au travers d’un compresseur, ce qui a pour effet d’en augmenter encore sa température. Le fluide ainsi réchauffé est ensuite mis en contact thermique avec l’intérieur, plus froid, et les quantités de chaleur absorbée dans le premier échangeur et créée par la compression sont transférées à l’intérieur du bâtiment, réchauffant ce dernier. Le cycle se termine par le passage du fluide dans un détendeur permettant de réduire sa température et de le rendre capable d’absorber à nouveau la chaleur extérieure.

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Même s’il existe plusieurs types de pompes à chaleur, on peut les diviser en deux grandes catégories en fonction du milieu d’où est absorbée la chaleur extérieure : les pompes à chaleur air-eau et les pompes à chaleur eau-eau. Dans le premier cas, la chaleur est transférée de l’air extérieur à un circuit d’eau chaude. Dans le second cas, la chaleur est absorbée de circuits d’eau enterrés dans le sol. Cette dernière solution présente l’avantage de limiter fortement les variations annuelles de température de la source de chaleur, la température du sol étant bien plus constante que celle de l’air. Cette différence prend tout son sens lorsque l’on s’intéresse aux performances énergétiques de cette méthode de chauffage. Dans le cas des pompes à chaleur, celles-ci sont définies par le coefficient de performance, souvent rencontré sous son abréviation anglaise COP. Cette grandeur correspond au rapport entre l’énergie thermique transférée à l’intérieur du bâtiment et l’énergie électrique nécessaire à la compression du fluide. Dans le cas d’une pompe à chaleur eau-eau puisant son énergie dans le sol, la moyenne annuelle de ce coefficient de performance se situe autour de 4. Cette moyenne descend à environ 3 lorsque la chaleur est extraite de l’air ambiant.

Dans ce dernier cas, cela signifie que pour chaque kW électrique consommé, 3 kWh thermique seront injectés dans le bâtiment. En comptant un prix d’achat compris entre 18 et 21 ct./kWh, le coût de l’énergie thermique peut être estimé entre 6 et 7 ct./kWh. En plus des coûts, il est également intéressant de s’intéresser aux émissions de gaz à effet de serre. En effet, si les pompes à chaleur elles-mêmes ne sont responsables d’aucune émission directe, il n’en va pas de même pour l’électricité qu’elles consomment. En moyenne, les émissions liées à l’électricité consommée en Suisse sont estimées à 129 gCO2équ/kWhél Puisque 1 kWh électrique permet de délivrer au bâtiment entre 3 et 4 kWh thermiques, les émissions liées aux pompes à chaleur peuvent être estimées entre 32 et 43 gCO2équ/kWhth lorsque celles-ci sont alimentées depuis le réseau de distribution. Déjà faibles au regard des quelque 200 gCO2équ/kWhth caractérisant les chaudières à gaz, ces émissions peuvent être encore considérablement réduites en alimentant les pompes à chaleur depuis une installation photovoltaïque. Il existe en effet de nombreux modèles de pompes à chaleur capables d’aligner leur fonctionnement avec la production solaire et d’ainsi réduire considérablement la quantité d’électricité consommée depuis le réseau.

Le chauffage au bois

Les chaudières à bois sont une autre alternative renouvelable aux chaudières fossiles. Bien que la combustion du bois sur laquelle elles reposent dégage effectivement du CO2, cette technologie peut être considérée comme neutre en carbone. En effet, le carbone relâché dans l’atmosphère lors de la combustion en avait été préalablement retiré lors de la croissance du bois. De plus, contrairement à la combustion de carburants fossiles dont le carbone avait été « définitivement » retiré du circuit naturel, le carbone fixé dans le bois aurait été à nouveau relâché dans l’atmosphère lors de la décomposition de celui-ci.

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Contrairement aux pompes à chaleur qui extraient l’énergie thermique directement du site chauffé, il est nécessaire d’amener le bois jusqu’aux chaudières. Ce transport se faisant généralement par camions citernes, il est primordial d’utiliser autant que possible du bois issu d’une production locale et durable afin de ne pas contrebalancer les avantages de cette technologie en termes d’émissions. Cette constatation est d’autant plus vraie en Suisse où le bois est abondant et où les forêts sont exploitées de manière à permettre leur croissance.

Avant d’être utilisé comme combustible, le bois doit être préparé et mis sous différentes formes variant avec la taille des chaudières considérées. Les petites et moyennes unités, destinées au chauffage de maisons individuelles, de bâtiments ou même d’industries, fonctionnent grâce à des pellets de bois. Les plus grosses unités, alimentant par exemple des réseaux de chaleur à distance, sont plus traditionnellement alimentées en plaquettes forestières.

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Le pouvoir calorifique des pellets de bois, c’est-à-dire la quantité de chaleur dégagée par leur combustion, est d’environ 4.8 kWhth/kg. Ainsi, 1 kg de pellets de bois contient moitié moins d’énergie qu’un litre de mazout. Néanmoins, bien que le mazout permette de stocker plus d’énergie dans un même volume, la comparaison du coût de l’énergie est à l’avantage du bois. Le prix de la tonne de bois se situe entre CHF 300.- et 350.-, variant avec les saisons et la quantité considérée. En rapportant cette valeur au pouvoir calorifique donné plus haut, le coût de revient de l’énergie thermique est de l’ordre de 7 ct. /kWh. De plus, et contrairement au mazout, ce coût est extrêmement stable, comme le montre les données historiques disponibles sur le site propellets.ch. Au moment de la rédaction de cet article, le prix du mazout se situait dans une phase ascendante et aux alentours de CHF 80.- pour 100 litres, portant le coût de l’énergie à environ 8 ct. /kWh.

Bien que le chauffage au bois possède de nombreux avantages, il est également important de mentionner ici que son installation n’est pas toujours possible. En effet, même s’il est possible d’atténuer ses effets indésirables sur la qualité de l’air à l’aide de filtres à particules installés sur les conduits de cheminées, le Canton de Vaud a émis une directive pour l’implantation des chauffages au bois conditionnant l’installation de ce type de solution à plusieurs critères, notamment dans les principales agglomérations du canton.

Le chauffage à distance

Les réseaux de chauffage à distance, souvent abrégés CAD, sont également dans une phase de fort développement. Ce type de chauffage est particulièrement adapté aux milieux urbains caractérisés par une consommation thermique dense permettant d’alimenter un grand nombre de consommateurs à l’aide d’infrastructures de taille limitée.

Comme son nom l’indique, cette technologie repose sur une production centralisée de chaleur qui est ensuite distribuée aux consommateurs finaux par l’intermédiaire d’un réseau. En ce sens, son fonctionnement se rapproche de la distribution d’électricité ou de gaz. La chaleur peut être produite de plusieurs manière. Ainsi, le projet MorgesLac alimente un réseau à partir d’énergie thermique puisée dans le lac à l’aide d’une pompe à chaleur centralisée. La production de chaleur peut également se faire de manière décentralisée. Dans un tel cas, c’est la source de chaleur qui est distribuée à travers un réseau, avec des pompes à chaleur situées à proximité directe des consommateurs. Les rejets thermiques des stations d’épuration sont tout à fait adaptés à ce genre de projet, comme le montre l’exemple d’un autre projet morgien.

La chaleur distribuée peut également être un produit secondaire d’une autre activité économique. C’est notamment le cas des usines d’incinérations de déchets telles que Tridel, à Lausanne, qui utilise l’énergie dégagée par l’incinération des déchets pour générer de l’électricité et de la chaleur. Le réseau de chauffage à distance de la région d’Eclépens est lui alimenté par les rejets thermiques liés aux activités de la cimenterie. Dans ces derniers cas, le caractère renouvelable de la production de chaleur peut être sujet à controverse. L’incinération des déchets ménagers et la production de ciment sont ainsi très clairement des activités émettrices de gaz à effet de serre. La question réside donc dans la comptabilisation de ces émissions. Si celles-ci sont entièrement attribuées à l’activité principale, alors la production, la distribution et la vente de chaleur deviennent des activités secondaires responsables d’aucune émission supplémentaire.

En comparaison des autres solutions renouvelables décrites ci-dessus, le prix d’1 kWhth soutiré d’un réseau de chaleur à distance est significativement plus élevé, de l’ordre de 11 ct./kWhth. Un tarif auquel il faut encore ajouter les coûts de comptage. Si ce surcoût à l’utilisation peut paraître prohibitif, il est important de garder à l’esprit que ce prix englobe le coût du matériel. Ainsi, si le coût à l’utilisation d’une chaudière à pellets ou d’une pompe à chaleur domestique se situe autour de 6 ct./kWhth, il faut y ajouter l’amortissement des installations sur leur durée de vie.

Les encouragements à la transition

Comme mentionné précédemment, franchir le pas de la transition énergétique dans le domaine du chauffage des bâtiments peut s’avérer complexe en raison des nombreux aspects techniques et financiers à prendre en compte. Afin de faciliter ces démarches, plusieurs instruments d’encouragement ont été développés et mis à la disposition des particuliers comme des entreprises. Les directions cantonales des départements de l’énergie ont ainsi créé l’association CECB pour « certificats énergétiques cantonaux des bâtiments ». Cet acronyme correspond également à la méthode uniformisée au niveau national permettant de catégoriser les bâtiments selon leurs performances énergétiques. En établissant et synthétisant de manière uniforme un état des lieux de celles-ci, le CECB permet d’en obtenir rapidement une image fiable et représente une excellente entrée en matière. Son établissement est ainsi obligatoire dans le cas d’une vente immobilière dans plusieurs cantons, ceci afin de sensibiliser les acheteurs potentiels à cette problématique de première importance. Cette prestation de conseil réalisée par des experts certifiés peut être complétée par un CECB Plus lors duquel des recommandations concernant les travaux à réaliser en priorité sont établies sur la base de critères techniques et financiers.

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Bien consciente des enjeux, la Confédération est particulièrement active dans la transition du secteur du chauffage des bâtiments. Le premier et principal instrument utilisé est le programme bâtiment. Notamment grâce à la taxe sur le CO2, ce programme soutient financièrement la réduction des émissions liés au chauffage en subventionnant le remplacement d’installations fossiles par des installations renouvelables, des travaux d’isolations ou encore des constructions neuves particulièrement efficaces du point de vue énergétique. Bien que financé au niveau fédéral, ce programme est opéré par les différentes administrations cantonales. Ces dernières recueillent et analysent les données liées aux projets de construction ou d’assainissement, déterminent les subventions éligibles et versent ces dernières sur présentation de justificatifs attestant de la réalisation effective des travaux. Cette redistribution ciblée de la taxe sur le CO2 est un levier particulièrement important pour les solutions renouvelables et l’efficacité énergétique puisque des subventions de l’ordre de 20% du montant total des travaux peuvent être obtenues en fonction de la nature de ces derniers.

À travers son programme d’encouragement suisseénergie, la Confédération a également mis en place le site www.chauffezrenouvelable.ch. Il regorge d’informations fiables sur les différentes technologies renouvelables ainsi que d’une base de données de spécialistes susceptibles de conseiller et d’accompagner les particuliers et les entreprises désireuses de franchir le pas et de réduire les émissions liées à leur production de chaleur.

En conclusion

S’il est relativement aisé d’intégrer des solutions renouvelables dans des bâtiments neufs, le remplacement d’une installation existante est éventuellement plus complexe. En effet, en raison des contraintes liées à l’intégration dans l’existant, telles que la température nominale des circuits de chauffage, les potentielles nuisances sonores ou encore l’encombrement des nouvelles installations, il peut s’avérer utile, voire indispensable, de solliciter l’aide de spécialistes.

À même d’appréhender ces problématiques dans leur ensemble, ces professionnels du domaine sont capables d’accompagner aussi bien les particuliers que les entreprises non seulement dans la définition de la solution la plus adaptée à leurs besoins, mais également lors de la réalisation de celle-ci. Et si le surcoût lié à ces prestations de conseils peut a priori sembler important, l’investissement est dans la grande majorité des cas des plus rentables.


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